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L’An 2 du Président Mohamed Bazoum :

Dernière mise à jour : 14 juin 2023

La gouvernance et les accomplissements du Président Bazoum en deux ans.


Interview Iyya infos / Juin 2023

Salim Mokaddem est professeur agrégé de philosophie à la Faculté d'éducation de l’Université de Montpellier. Membre fondateur du PNDS-Tarayya, il a enseigné la philosophie, notamment avec le Président Bazoum, au Lycée général Dan Baskoré de Maradi, II est actuellement Conseiller Spécial, Responsable de la cellule éducation à la Présidence du Niger et nous livre, ici, une analyse sans complaisance de la performance du président de la République Mohamed Bazoum des deux dernières années de gouvernance.


Il y a deux ans, Mohamed Bazoum fut investi président de la République du Niger. Le discours qu’il prononça, ce 2 avril 2021 fut bien reçu par la quasi-totalité des nigériens. À travers ce discours, le président Bazoum dévoilait les principaux défis auxquels il entend s’attaquer durant son premier mandat. Il s’agit, entre autres, des défis de la gouvernance, de l’insécurité (bien entendu l’insécurité physique et l’insécurité alimentaire), de l’éducation, de la démographie et de l’emploi de jeunes. En votre qualité de Conseiller Spécial, Responsable de la cellule Education à la présidence de la République, que pourriez-vous nous dire ce qui a été concrètement fait dans le secteur de l’éducation ?


Dans le secteur de l’éducation, il a été fait maintes choses, qui ont déjà été dites et rappelées par les membres du Gouvernement et les ministres en charge des actions de la Renaissance 4 dans le secteur éducatif et de la formation au sens large. Pour mémoire, le programme des formations des enseignants a été révisé ; les curricula des écoliers, collégiens, lycéens également ; les classes paillotes sont en voie d’être remplacées par des bâtis plus adaptés aux exigences des ODD 4 et du respect de la CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant) rappelés par le programme sectoriel du Président Bazoum ; la continuation contrôlée des constructions des internats de jeunes filles est en bonne voie ; les recrutements qualitatifs et quantitatifs des enseignants et contractuels se déroulent comme prévu ; la vérification et le contrôle des budgets et des suivis des, dépenses au niveau des ministères et des services techniques concernés sont assurés par les services idoines ; les vérifications des titres, diplômes, examens afin de répondre à des critères académiques et scientifiques standardisés ont été faites ; les mises à niveau pédagogiques et didactiques des personnels en charge d’éduquer les élèves sont en cours de réalisation ; la redéfinition et le cadrage du pilotage administratif, comptable, des établissements scolaires sont actuellement à l’étude de façon avancée ; la focalisation est maintenue sur les besoins en capital humain du Niger par un focus spécifique sur les établissements d’excellence et les formations scientifiques et techniques en particulier ; l’accroissement des aides budgétaires et techniques, et celui des bourses dans l’Enseignement supérieur, se constate positivement ; la prise en compte des difficultés sociales, économiques, culturelles, des élèves décrocheurs et des populations en âge d’être (syndicats, COGES, acteurs de la société civiles, PTF, associations humanitaires nationales et internationales, Fondations privées, etc.). Je ne vais pas, par ailleurs, vous redire en chiffres et en statistiques ce que tous savent, à savoir, dans la programmation du budget 2023, l’accroissement, effectif des fonds consacrés aux constructions d’écoles afin de subvenir aux besoins énormes du Niger, au vu de son PIB, de son taux de natalité et de fécondité, des situations de catastrophe et d’urgence dans les secteurs de la sécurité intérieure, de la défense nationale, des crises hydriques, du choc climatique, des conflits aux frontières et de la guerre en cours en Europe, qui impactent, après la Covid 19, l’économie restreinte et généralisée du Monde et tout particulièrement le scolarisées en zone rurale est assurée par les actions locales des DREN, entre autres, et du MEN ; l’attention soutenue au secteur informel, privé, religieux, dans l’acte éducatif ne fait que s’accroitre (même si cela reste encore inchoatif) ; l’accroissement de l’empan éducatif inclusif est en bonne marche pour intégrer, adapter, inclure, les exclus du système scolaire ; le dialogue est constant et ouvert avec les partenaires de l’École Niger.


Remarquons toutefois que le taux de croissance de l’économie de 11,5% pour 2022, annoncé par le Premier ministre, est remarquable au vu de ce rapide panorama et dans ce contexte plus que difficile. Le Niger demeure un pays stable, en développement et qui attire les investissements productifs du fait de sa santé économique et de la rationalité réaliste de son programme politique et de gouvernement. Pour répondre donc synthétiquement à votre question, je dirai qu’il reste désormais à faire en sorte que les enseignants, les professeurs, les formateurs du Niger, deviennent des intellectuels pratiques et organiques capables de maîtriser les savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, réfléchir de façon critique) afin de faire en sorte que les élèves puissent être à même de travailler, au plus tôt, en autonomie et qu’ils puissent poursuivre leurs apprentissages de manière continue et assidue, quel que soit l’environnement social, géographique, culturel qui est le leur. Pour cela, à l’instar de tous les pays du monde qui vivent une crise de l’éducation et des carences en termes de recrutement et de formation dans le monde éducatif, il est nécessaire de redonner des lettres de noblesse à un métier et à une fonction qui relevant de l’institution de l’Humanité et qui requièrent des femmes et des homes compétents et conscients de leur tâche.


L’éthique - qui est, selon moi, la rencontre dans le sensible de l’intelligible - et la déontologie sont donc des incontournables dans les champs de la formation afin de faire des enseignant-e-s des militants du savoir et des flambeaux humains actifs de la République du Niger en construction. On peut remarquer les taux de réussite compare en hausse aux examens du Brevet et du Baccalauréat, comme on peut aussi pointer les améliorations quantitatives des taux de stabilisation et d’accroissement des populations scolaires et la baisse concomitante des taux d’abandon scolaire ; l’INNS tient des comptes précis de ces coefficients et il faut ici saluer le travail remarquable des équipes techniques sectorielles, souvent invisibilisées par des effets d’annonces, qui font remonter les données de base de façon appliquée et minutieuse, permettant ainsi aux acteurs et cadres du système scolaire de piloter au mieux la machine éducative au Niger. Je n’insiste pas sur des événements internationaux de grande importance comme le GPE de juillet 2021, le sommet de l'ONU de septembre 2022, et les multiples et effectives actions des principaux bailleurs de fonds dans le secteur. Je rappellerai seulement que le Niger finance à hauteur de 85%, sur fonds propre, l’éducation nationale nigérienne et que le Niger a décidé d’accroitre de plus de 30% le budget sectoriel afin de tenir les promesses électorales faites au peuple, mais, surtout, afin de lui donner une éducation critique, technique, professionnelle et générale, indispensable pour sa croissance, son développement, son bien-être et sa richesse matérielle et morale. Je ne vais pas, là aussi, répéter des poncifs ; sans éducation, la richesse est vouée à disparaître dans la pure consommation improductive, et sans consommation liée à la production technique autonome (développement des satisfactions premières et des besoins proto économiques ancrés sur un secteur agro industriel autonome), on ne pourra pas faire du Niger un pays relativement souverain et indépendant. À moins de se payer de mots au lieu de tenir fermement et patiemment en son bec le fromage réel que le renard de la fable attend toujours, avec la patience des marchés financiers, très fébriles actuellement du fait de la « bascule » du Capital et du Travail dans les zones impactées par la question du maintien mondial de la monnaie étalon actuelle.



Qu’est-ce qu’un capital humain ? Et pourquoi le développer?


La notion de Capital humain a été développée dans les années 1960 par l’École de Chicago, et notamment par Gary Becker et Theodor Schultz. Le Capital humain est, pour faire court, l’idée que l’éducation, la santé et la croissance économique sont directement corrélées ; la masse humaine éduquée, soignée, policée, normée, selon des critères permettant d’investir en elle un certain nombre de processus pour la rendre productive dans un régime libéral et capitaliste, modifie le produit économique du pays par habitant. Le concept de Capital humain suppose donc l’ensemble des capacités, des structures, des infrastructures, des superstructures, nécessaires pour faire un être humain en mesure de produire des richesses et des biens dans une optique économique standardisée et définie, encore une fois, pour faire court, dans le cadre d’une vision historique et civilisationnelle proper au libéralisme entrepreneurial et à l’économie de marché dans un système d’échanges plus ou moins contrôlés des biens et des services. Il est plus que nécessaire de le développer car, sans le capital humain, vous ne pouvez pas faire fonctionner une machine, une entreprise, une société modernisée, industrialisée, hautement technicisée.


Le processus de la prise en compte du Capital humain ne date pas de Burton comme on le clame un peu trop ingénument. Le détenteur de forces de production sait bien que les forces productives les plus sophistiquées nécessiteront toujours des acteurs, des ouvriers spécialisés, qualifiés, des cadres, des ingénieurs, des dirigeants, pouvant orienter des pratiques, des processus de production, des actions techniques, des compétences comme on aime à dire aujourd’hui, afin de brancher l’économie sur la formation sans perte de temps dans la diplomature ; depuis le Processus de Bologne (1998) et les récessions en cours, l’harmonisation des systèmes d’enseignements et les crises des systèmes sociaux de répartition des revenus du Capital mettent les questions de l’éducation et de la formation au cœur même des process de production et d’investissement des revenus financiers de la production. Je travaille sur cela pour un colloque à venir entre économistes patentés sur les effets de la virtualisation de l’économie à l’échelle de la mondialisation ; les théories classiques de la valeur sont toujours actuelles et pertinentes en matière d'analyse des richesses. Les théories du filtre et du signal de Kenneth Arrow et Michael Pence (Spence M. A. Market Signaling ; informational ; transfer in hiring and related screening process. Harvard University Press. 1974 ; K. J. Arrow. « Higher Education as Filter » in Journals of Public Economics, 2, 1973) ne tiennent plus la route aujourd’hui pour penser le développement toujours nécessaire du Capital humain, notamment dans le domaine de la formation et de l’éducation. Les investissements dans les domaines de la santé, de la formation, de l’éducation, permettent ainsi des retours sur investissements non négligeables ; en fait, que cela soit l’État ou le propriétaire privé, investir sur le citoyen ou le travailleur est toujours une façon de programmer son essor économique, social et de favoriser le bien-être du fait que les compétences développées par les acteurs formés sont investies directement dans le tissu professionnel, social, économique.


Du point de vue systémique, c’est donc une manière de calculer intelligente qui ajoute de la valeur et facilite les process de productivité du fait des valeurs ajoutées par les acteurs du champ économico-social. Quand on rapporte donc les dépenses faites pour « produire » des humains qualifies et le développement du PIB, les ratios observés révèlent l’importance de la formation initiale pour les pays pauvres et de la formation continue et supérieure pour les pays riches. Dans tous les cas, et depuis la naissance de l’agriculture et de l’industrie de la pierre polie, chaque savoir-faire est propice au développement technologique et technique permettant l’accroissement des pouvoirs par les savoir, les savoir-faire et les savoir-être ; ces derniers facteurs produisent davantage et mieux. Cela s’explique par des effets logiques de causalité circulaire des phénomènes d’exponentiation des biens et des services du fait de la formation continue à la valeur ajoutée dans le cercle économique de la marchandise. L’économiste Joseph Stiglitz pense ainsi que le « Capital humain représente aujourd’hui entre 2/3 et 3/4 du capital total » (in Principes d’économie moderne, 2007). L'introduction de la culture algorithmique, jointe à celle de la mécanisation industrielle, produit des citoyens efficients qui deviennent des acteurs directs de l’enrichissement public et privé.


L’État-Providence n’aurait pas pu exister sans l’éducation de base, moyenne et supérieure, dans les pays occidentaux. Et malgré les critiques rémanentes plus ou moins référencées de la raison dans l’histoire de l’agriculture, on produit plus et mieux, par exemple, dans le secteur primaire en passant du joug humain au joug animal, puis, du tracteur à la machine-outil multifonctionnelle informatisée. C’est pour cela, soit dit en passant, que les notions de secteur primaire et secondaire, n’ont plus de sens quand l’industrialisation fait un saut qualitatif vers son dépassement par la robotisation mesurée et contrôlée des tâches agricoles. Les limites du Capital humain sont vite perceptibles dès qu’on en voit les effets dans les sociétés occidentales industrialisées contraintes d’externaliser le Travail en même temps que le Capital du fait de la saturation des services par le coût de la main-d’œuvre et des cadres techniques ; Marx avait déjà prédit ces crises et on lit même chez certains idéologues contemporains l’idée qu’il faudrait donc rendre les sociétés moins savantes pour préserver les marges de plus-value obtenues pendant les Trente Glorieuses. Ce qui expliquerait en partie le déclin civilisationnel et la récession en cours à tous les niveaux des sociétés post-industrielles où le divertissement, au sens de Pascal et du Marché total, tient lieu de viatique et de politique générale de la sensibilité et de la doxa. J’ajouterai que l’intelligence artificielle (IA) n’apporte rien en matière d’économie de la valeur du fait qu’elle combine rapidement et logiquement des éléments déjà existants dans l’histoire et le monde d’internet et du numérique à l’aide de puissants algorithmes mais qu’elle n’ajoute absolument pas du neuf à ce qui est dans le monde, sinon une nouvelle idéologie de la machine pensante que les philosophes connaissent bien depuis les travaux de Pascal et de Leibniz au XVIIème siècle, et de Condorcet (qui était un statisticien social avant la lettre) au XVIIIème siècle.


Le Capital humain ne dit rien d’autre que ceci : un individu devient sujet actif et producteur de richesses s’il est formé, éduqué, soigné et pris en charge par une société qui le reconnait comme tel dans des liens organiques d’intérêts

réciproques bien compris permettant alors les retombées sociales et économiques de ses compétences en exercice dans le monde qui le produit comme agent économique. Le Capital humain n’est donc ni plus ni moins qu’une façon de réécriture du contrat social à l’ère des Lumières mondialisées par l’industrie globalisée et le monde de la numéricie cognitive.



Il est un truisme de dire que le Niger est entouré de plusieurs foyers de tension. Contrairement à certains de ses voisins le Niger reste debout et arrive peu assurer la sécurité de ses frontières et la quiétude sociale de ses citoyens. Qu’est ce qui explique les performances sécuritaires de notre pays ?


Ce qui explique les performances sécuritaires du Niger relève à la fois de données historiques propres à l’État du Niger, de conjonctures structurelles liées au contexte international, et de choix stratégiques et politiques pris par le Président de la République, Chef des Armées, avec l’appui des responsables militaires, policiers, et d’une grande partie de la société civile. Il faut comprendre en effet que le Niger a toujours su éviter les pièges racistes ou racialistes de type binaire : les oppositions nord-sud ou est-ouest dans lesquelles quelques aventuriers de la politique voulaient l’emmener ne correspondent pas exactement aux réalités sociales et quotidiennes vécues par les populations locales et les acteurs de terrain. N’en déplaisent aux tenants du naturalisme des castes ou aux essentialistes d’une histoire arrêtée au Soleil des Indépendances (il y aurait à dire sur cette expression en forme d’oxymore), le Niger est un pays multiethnique aux souverainetés multiples ; mais, surtout, le Niger s’est doté, progressivement, dans la douleur et les larmes de l’Histoire, d’un État central et d’une administration organisée, d’une armée disciplinée, d’une police efficace et d’une justice avisée et experte. Chacun des acteurs de cette souveraineté, ayant conscience d’un destin national et d’hybridations complexes entre les langues, les régions, les familles, les ethnies, et les histoires, construit, plus ou moins, une singularité et une spécificité de l’État nigérien. Le peuple nigérien est un peuple spirituel paisible et travailleur qui connait le prix du sang versé, de la vaine polémique et de la guerre improductive et sterile pour son devenir. Aussi, il y a un équilibre régional des nominations, des promotions, des compétences et le tact politique consiste à faire avec les susceptibilités ethniques et les puissances privées dans la société civile.


En d’autres termes, malgré l’étendue du territoire, l’inégalité de répartition de la densité populationnelle, l’état des infrastructures routières, les lenteurs de transferts budgétaires (qui s’améliorent de jour en jour du fait de l’amélioration des services, du maillage de la technologie et des techniques de communication), le nigérien est citoyen d’un pays, d’un Etat, d’une histoire, où les identifications ne se font jamais de manière substantielle ou identitaire. L’élection du Président Bazoum en est la preuve et l’exemple même.

De plus, les tensions politiques et les coups d’État qui ont suivi ces dissensions au Mali, Bénin, Burkina Faso, et au Tchad, pour ne parler que de la sous-région limitrophe, ont marqué par contraste la solidité du pouvoir démocratique nigérien et la volonté républicaine de la sécurité nationale appuyée par une armée consciente des avantages d’une société de droit et des risques encourus par une instabilité continue de contestation permanente du pouvoir légitime souverain par des factions ou des fractions phalangistes de la société. De plus, le dispositif militaire Barkhane s’est replié et déployé au Niger, lieu central de la résistance aux terrorismes intégristes, criminels et fanatiques au Sahel, du fait de son importance stratégique et de la capacité du Président, appuyé par son état-major, de faire face de façon technique et opérationnelle, à la mesure de ses moyens, aux problèmes d’insécurité auxquels il est confronté depuis l’effondrement de la Libye, des guerres en Syrie, et, plus récemment, dans la Corne de l’ Afrique. La coopération militaire international (notamment avec l’Algérie, l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Espagne, l’Italie, la Nigéria, la Turquie, les USA) est très active au Niger pour des raisons à la fois tactiques (le Niger est une porte vers l’Europe), stratégiques (hub de contrôles et de renseignements de toutes sortes), économiques (la transsaharienne va changer les dynamiques sud-sud, tout comme les réserves d’uranium et d’or, entre autres, peuvent modifier le service de la dette et les investissements divers), migratoires (Agadez et la frontière avec l’Algérie demeurent des points névralgiques du trafic humain à l’origine de tous les autres marché de l’infamie) et commerciales (la sécurité à un coût et toute une économie de la chose militaire est sollicitée pour garantir la sécurité aux frontières et sur tout le territoire). La confiance que les PTF accordent au Niger vient de la solidité de son armée, en termes de culture militaire, et de sa loyauté envers le Président Bazoum et les institutions qu’il représente.


De plus, les fonds alloués aux FDS et la triple stratégie de recrutements locaux, de formations techniques et la politique d’achats de matériels logistiques adaptés aux types de conflits en vigueur, semblent porter leur fruit. Je vous recommande de bien analyser ce qui se passe au Mali et au Burkina Faso pour comprendre à la fois les stratégies qui ont fonctionné et celles qui ont échoué, d’une part avec Wagner, et, d’autre part, sans Wagner. La guerre est un savoir-faire autant qu’un rapport de forces ; aujourd’hui, le renseignement militaire (mais pas seulement) et la capacité d’anticiper et de faire se mouvoir des matrices d’événements multifactoriels sont cruciaux pour remporter des conflits. Chaque échec sur le terrain est un apprentissage technique ; chaque conquête tactique est une anticipation des conflits à venir. Le Niger apparaît stable relativement aux territoires en conflits permanents que sont les autres pays sahéliens cites plus haut ; cependant, le JNIM et l’ISS se rapprochent et ont des velléités d’administration territoriale. Ce qui manqué cruellement à ces acteurs, c’est une vision politique au sens fort du terme. L’intégrisme religieux est une idéologie qui ne tient pas quand les populations civiles vivent les massacres, les vols de bétail et de biens, l’esclavage, les viols et les cruautés injustifiables, dans leur quotidien. De même, un pays ne peut pas se défendre s’il n’a pas de fibre patriotique et de sens du collectif. Ce à quoi nous assistons en ce moment au Sahel, c’est à une fragmentation des peuples (afin de fomenter des conflits ethniques pour masquer les volontés de pouvoir et de domination de certains groupes armés très éloignés de toute vision politique républicaine ou même spirituelle !) et à une implosion des territoires traditionnellement marqués par l’existence d’États de droit. On peut penser ce qu’on veut de la dé- colonisation et de la période de Glasnost des Conférences nationales qui ont eu lieu dans les années 1990 (1991 pour le Niger): elles ont cependant permis l’existence historique et la manifestation de peuples unifiés derrière une vision de l’Etat, de la société civile, du développement et de la politique républicaine dans les pays de la Cedeao et, singulièrement, au Niger où un réel événement autant politique que cathartique à permis une sublimation du phénomène colonial et dictatorial pour construire et instituer une authentique amorce de souveraineté politique. Rendons grâce à ces événements pacifiques, relativement, d’avoir permis au Niger d’être entré dans le sûr chemin du dialogue national, de la concertation démocratique et du contrat institutionnel autorisant ainsi une politique républicaine avec des Partis légitimes, des votes validés par des institutions reconnues légitimement et acceptées comme étant l’expression d’une réelle volonté de vivre ensemble et de faire un destin national pour les nigériens et les nigériennes. Ce n’est pas rien d’assister à la naissance d’un pacte social républicain et à un contrat politique donnant naissance et renaissance à une nation.


Toute la politique de consolidation de cet Etat-Nation faite par le PNDS, et singulièrement par Issoufou et Bazoum, s’inscrit dans cette dynamique visionnaire panafricaine et mondialiste de paix, de sécurité, de développement, et de rêve d’un monde libéré de conflits inutiles et régressifs comme le sont les conflits meurtriers que nous vivons actuellement au Sahel et qui sont des actes obscurantistes de régressions anti-étatiques, tout autant que des tentatives barbares de faire revenir l’Afrique de l’Ouest à l’âge des colonies. Il y aurait à dire sur ce qu’est la guerre aujourd’hui, qui la fait, comment et selon quelles logiques. Nous développerons cela prochainement dans une série de conférences de haut niveau avec les acteurs du secteur. Cependant, si vous regardez les cartes, et que vous faites de manière précise la rétrospective des conflits au Niger et dans la zone des trois frontières depuis 2012 (depuis les coups d’Etat du Mali et du Burkina Faso), on peut s’apercevoir que la guerre que mène le Niger contre les forces armées terroristes s’apparente d’une part à ce que vivaient la Colombie et le Chili dans les années 1960, et d’autre part, à une tentative de désétatisation terroriste par la fragmentation violente des sociétés civiles et le pillage systématique des matières premières par des acteurs privés non politisés au sens républicain du terme.


De plus, si vous lisez, avec modération, les rapports d’ACLED, qui font autorité en la matière, vous allez comprendre que les stratégies d’enrôlement des civils pour en faire des milices, ou l’appel à des mercenaires aguerris, sans mauvais jeu de mots, pour épauler les militaires, ont des limites qui sont celles des hiérarchies des normes et des coûts en pertes humaines qui ne cessent de croitre : si on fait la guerre ou le coup de feu, c’est ou pour une cause politique, ou pour s’enrichir, ou pour les deux à la fois, mais c’est rarement un choix dû à un plaisir désintéressé, sauf pour quelques cas pathologiques, rares et singuliers. Donc pour motiver les soldats du crime ou de la bataille sans lendemain, il faut ou beaucoup de moyens ou bien des « carottes » vivantes : les conflits ne peuvent donc qu’être de plus en plus violents et de plus en plus coûteux. Qui a donc intérêt à cela actuellement ? Et qui détient suffisamment de fonds pour les investir à perte - pour le moment - dans un conflit à l’issue incertaine ? A moins qu’un des buts de ces conflits intensifs hétérotopiques soit de faire circuler de la monnaie issue d’économies sombres pour contrevenir les jeux d’investissements classiques…


Le Niger est un Etat relativement fort qui a une administration ordonnée, des forces de défense et de sécurité disciplinées et loyales, et à la tête desquelles un Président responsable connait les problèmes des frontières et de l’intérieur, tout autant que les contextes sous-régionaux et suprarégionaux ; n’oublions pas que le Président Bazoum est un fils de nomade, qu’il a été ministre de l’Intérieur et ministre des Affaires étrangères, et qu’il a une doctrine solide de la chose militaire partagée avec les acteurs internationaux les plus puissants au Monde.



Répondant à une question d’actualité devant les députés nationaux à l’Assemblée nationale, Monsieur le Premier Ministre Ouhoumoudou a laissé entendre que le Niger a connu un taux de croissance de 11.55% en 2022 surclassant les pays de l'UMOA. Quelles sont les réformes et les actions qui ont permis d’obtenir ce taux de croissance à deux chiffres dans un environnement économique mondiale peu favorable ?


Le taux de croissance de 11, 5% qui est armoncé par le Premier Ministre Ouhoumoudou pour l’année 2022 est le résultat de plusieurs actions concomitantes de la gouvernance Bazoum qui poursuit en cela l’amorce de Renaissance économique, sociale, culturelle, éducative, sanitaire, judiciaire, bref, qui incarne de façon déterminée la politique annoncée dans son discours d’investiture et dans celui de politique générale du Premier Ministre. D'abord, le choix des hommes et des équipes techniques est fondamental pour comprendre ces bons résultats de la politique menée par le Premier Ministre : le Niger a des

ministres, des députés, des directeurs généraux, des cadres administratifs,

des citoyens compétents dans tous les domaines.


Le choix des hommes et des femmes s’avère donc plus qu’important pour mener à bien la politique de Renaissance 3 du Président Bazoum. Ouhoumoudou est un Premier ministre rigoureux, sage, prudent, modéré, analyste fin qui a une vision réfléchie des actions possibles et impossibles à mener et qui fait preuve d’une patience remarquable. Quand on connait l’homme, sa culture, sa rigueur, on comprend pourquoi il tient ses ministres et sait faire le plaidoyer du Niger partout où il passe. Il a un style de faux lent, et il connait très bien le terrain, les dossiers, les personnes. Travailler avec lui, c’est toujours apprendre ; il a l’art de poser la petite bonne question qui, ironiquement, va montrer les faiblesses d’un raisonnement, d’un système, ou vous obliger à revoir votre copie. Il a un art presque asiatique de la diplomatie et un pragmatisme à l’américaine qui en fait un intellectuel du politique très pertinent et judicieux : ainsi, il sait mener sa barque là où il veut sans tergiverser et se perdre en vaines polémiques. C’est un vrai politique, matois, habile, et qui ne perd pas son temps dans des arguties : j'ai remarqué chez lui l’art du tireur à l’arc Zen. Il ne regarde pas sa cible mais il l’atteint toujours, nonchalant et efficace, comme l’est le chevalier du kyudo, habile en négociations avec sa cible et rapide en décisions pour décocher ses traits en son centre. Il sait être dilatoire en cas de besoin, et réaliste toujours dans les analyses complexes. De plus, je ne l’ai jamais vu humilier quelqu’un ou manifester des émotions déplacées. Il est l’homme de la modération, de l’équanimité, du stoïcisme appliqué, et de la fausse bonhomie.


Par ailleurs, ce qui explique ces bons résultats économiques et ce taux de croissance à deux chiffres, c’est l’impulsion donnée par le Président Bazoum dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la justice, de la défense et de la sécurité : la confiance est là entre le Niger et les PTF, les bailleurs de fonds, le FMI et la Banque Mondiale. Aussi, les investissements sont productifs et concrets (routes, écoles, formations militaires, équipements de défense, etc.), les salaires et les retraites sont payés à termes plus ou moins échus, les cadres sont assignés à une logique de rendement et guidés par des feuilles de route rigoureuses. De plus, le Président Bazoum a impulsé des rendez-vous réguliers et continus avec les dirigeants et les acteurs tant privés que publics des politiques gouvernementales : les conseils des ministres sont des moments de concertations sur les actions du Gouvernement ; les rencontres avec les professionnelles, les acteurs économiques et sociaux, les acteurs de la société civile, les syndicats et les partenaires, permettent de faire le point et des bilans d’étape sur les réalisations faites ou en cours, les bilans à effectuer, les remédiations et corrections à apporter dans la gouvernance.


Pour finir, les projets et les programmes de résorption du chômage de masse par des investissements majeurs dans les secteurs primaires et secondaires, les transparences budgétaires et les engagements tenus dans les domaines de contrôles de la dette et des paiements structurels, de l’inflation et des dépenses publiques, attirent les fonds souverains et internationaux car l’Etat du Niger donne des gages de confiance et manifeste une rigueur dans sa comptabilité

publique. Ce qui demeure problématique est le prix de l’argent au Niger et le coût du crédit pour les particuliers et pour les petites entreprises ; l’Etat a encore donc son rôle à jouer pour permettre des investissements publics-privés et afin de contrôler les flux monétaires pour maintenir l’inflation à un taux supportable (par une politique sociale de soutien budgétaire et d’aide aux ménages pour des achats de base de produits basiques de consommation de première nécessité). La croissance du Niger est liée à une politique d’investissements qui ne laisse pas de côté le caractère social de l’Etat républicain, et qui sait en même temps faire fructifier le capital physique, minier, énergétique, géologique du Niger. L’uranium, le pétrole, le charbon, l’or, non moins que la position géographique du Niger au carrefour des Afriques (Ouest, Est, Nord, Sud, Centre), sont des atouts non négligeables, surtout si la main d’œuvre est formée qualitativement et les normes de bonne gouvernance sont respectées. La confiance des partenaires et le travail rigoureux du Gouvernement expliquent ainsi les bons résultats de l’économie nigérienne, même si tout n’est pas parfait et qu’il y a encore du travail à accomplir pour rendre le pays heureux et lui donner un avenir confortable. Sortir des étaux de la dette et de la misère, de la guerre et de la pauvreté endémique, de la malnutrition et de l’insécurité, cela est l’horizon d’action du Premier Ministre et du Gouvernement.


Et les indicateurs sont plutôt positifs du fait de la rigueur et de l’éthique des hommes et des femmes choisies par le Président et son Premier ministre. Les réformes et les actions qui ont permis cette bonne santé du système économique nigérien reposent sur la gestion rigoureuse des comptes publics et sur le fait de mettre les personnes compétentes et déontologiquement irréprochables aux postes les plus sensibles dans les domaines de souveraineté de l’Etat. Nous ne vivons pas dans un monde idéal et parfait ; mais l’idée qui dirige l’action du Gouvernement a donné les résultats que vous connaissez. On peut toujours mentionner des ratés, des lenteurs, des actes négatifs, des erreurs de gestion dans les ressources humaines et des carences de jugement au niveau des attributions de poste, mais, dans l’ensemble, le navire poursuit son chemin et la caravane avance malgré les obstacles réels et les circonstances aux frontières et les urgences structurelles que vous savez.


Pourtant, quelques incertitudes demeurent actuellement, liées à l’encours du service de la dette et à la « bascule » mondiale à laquelle nous assistons dans le monde des monnaies et des économies globalisées. Les mots sont importants : nous vivons une guerre entre les Empires pour la domination économique et monétaire du Globe. Il y aura nécessairement des impacts sur les économies régionales en Afrique, et sur les zones arrimées à ces conflits de titans. De plus, le monde traverse une crise de civilisation et de modèle démocratique qui peut impacter les possibilités spéculatives des banques centrales et inhiber les horizons d’investissements de croissance des partenaires historiques de l’aide au développement.



Le Président Bazoum a toujours fait part de son engagement à lutter contre la corruption et l’impunité. Où en est-on deux ans après son accession à la présidence de la République ?


Deux ans après les discours de l’investiture du Président Bazoum et après celui adressé à l’occasion des vœux de nouvelle année aux grands corps de l’Etat et au Gouvernement, la Halcia, l’Inspection d’Etat, les directions concernées du ministère des Finances, n’ont jamais été aussi efficientes et importantes dans leur action du fait des engagements éthiques du Président pour instituer une politique assainie au service du peuple, dans le cadre des missions de service public et d’intérêt général de l’Etat. L'affaire de la Bagri le prouve assez, de meme que le traitement affèrent à certaines affaires ayant défrayées la chronique judiciaire et qui ont été suffisamment médiatisées de la façon que vous connaissez en tant qu’organe de presse pour ne pas y revenir ici. La corruption, qui n’est pas seulement une pratique nigérienne, relève de la formation des ressources et du Capital humain. Right men at the right places. Je pense que la nature humaine est complexe, faible et multiverse ; en ce domaine, la morale ou la volonté subjective ne suffisent pas à assainir le monde politique et économique réel. Il n’y a pas d’impunités tolérables ou tolérées ; seulement, il y a une temporalité logique de la justice, une autre du monde social, et encore une autre du monde des idées.


Prendre en compte les logiques de ces mondes, pouvoir les penser de manière synthétique dans l’unité d’un jugement requiert une compétence de lucidité critique et de vision rare et difficile à trouver dans le monde d’aujourd’hui. Ce que je peux vous dire, sans révéler des secrets d’Etat ou jouer au Grand Inquisiteur, c’est que tout pouvoir est plus informé que celles et ceux qui veulent lui faire la nique et ruser avec lui. Et que l’impunité ou la lutte contre la corruption relèvent de structures étatiques, para-étatiques, supra-étatiques qui ont une temporalité et une logique d’action tout à fait singulières. Hegel écrivait en 1821 que l’Etat était comme Dieu sur Terre ; je doute qu’on puisse dans une théodicée profane échapper à son regard. Fût-il discret, peu disert, et à la mesure de son ambition.


Changer les mœurs de l’Humanité est une grande tâche ; lutter contre les tentations diaboliques, pour rester dans les métaphores théologiques, nécessite donc du temps, de la patience, de l’intelligence et beaucoup d’humilité. Le Président Bazoum fait le pari de l’intelligence et de l’éthique ; et son pari s’avère pour l’heure autant audacieux que gagnant.

Quand vous faites ce pari, vous n’êtes plus dans la posture de la belle âme ou dans la tentation de la pratique démagogique de la justice immédiate des

passions enthousiastes. Être un chef d’Etat responsable est à ce prix : vivre

dans le stoïcisme des passions continues pour garder son jugement éloigné des affects irrationnels et des compromissions inutiles. Un certain utilitarisme

moral, comme le savait John Stuart Mill, est bénéfique à la vie de la communauté démocratique pour l’intérêt général et particulier.



Certains médias reprochent au Président de la République Mohamed Bazoum de n’avoir pas présenté le bilan de deux ans de sa gestion. Est-il tenu de le faire ?


Le Président Bazoum a l’humilité de laisser ses services techniques faire ce bilan et d’expliquer la gestion de ses finances au grand public : peut-on lui reprocher

d’avoir ainsi confiance en son premier cercle et de s’effacer devant les acteurs

techniques de sa politique ? Je ne le pense pas. Cependant, le Président Bazoum fait preuve d’une finesse médiologique dans sa façon de communiquer

; il y a eu trop d’effets de manches et de déclarations à l’emporte-pièce dans les médias et les services de communication.


Une réforme des modalités de la communication est en cours, et elle est de bon augure, au vu de la sobriété et de l’efficacité qu’elle produit dans le monde versatile, sophistique, de la rhétorique communicationnelle. En effet, concernant les liens qu’il a avec le peuple et les administrés, le Président Bazoum a toujours pris soin de dire ce qu’il faisait, et de faire ce qu’il annonçait, et donc de dialoguer avec les nigériens et les nigériennes, tout autant qu’avec les amis (et même avec les ennemis) du Niger urbi et orbi : il s’adresse de manière opportune et pratique à qui de droit, quand et où il le faut. Trop de communication tue la communication et, lecteur assidu, le Président Bazoum ne confond pas à l’ère de la publicité de la doxa et des réseaux sociaux, la communication et l’information. Cette dernière est une matière autant rare que stratégique ; elle ne gagne pas à être divulguée sans réflexion au préalable sur la pertinence de son occurrence. Le moment opportun, le kairos, du discours politique, de son adresse, de son émission, de sa forme, de son lieu d’énonciation, de son rituel, de son ordre propre, est déterminé par un type d'urgence relevant de l’analyse politique.


« Le tigre n’affirme pas sa tigritude », écrivait Sole Woyenka, et, souvent, les actes travaillent mieux les esprits que les répétitions solennelles de paroles creuses et vaines. On pourrait dire de façon synthétique que certains mots doivent s’effacer devant des actions ou des choses concrètes. Magana a cikin aiki gaba aikin magana. Il y a des moments pour dire ce qui doit être et ce qui est et d’autres pour agir et faire concrètement dans le silence de l’œuvre en cours ; la parole performative est celle qui produit, même par son silence, l’acte qu’elle désigne. L’usage performatif de la parole présidentielle est le style singulier du Président Bazoum. Personne ne peut lui nier son économie discursive réfléchie et son art de l’intervention opportune qui manifestent un sens profond des responsabilités de la parole publique et du discours vrai. L’éthique de la politique prônée par le Président Bazoum passe par ce dire-vrai et l’usage du discours non rhétorique visant à mettre les mots et les choses dans l’harmonie, autant qu’il est possible, du pouvoir souverain qui le caractérise et des savoirs qu’il mobilise pour agir au mieux dans le cadre de son mandat. « Penser et dire sont le même », pour le philosophe, écrit Héraclite d’Ephèse, dit l’Obscur. Pour le politique, dire vrai et bien agir sont l’éthique minimale. En ce sens, bien dire consiste quelquefois à savoir quand et avec qui parler pour ne pas déroger à cette éthique.


Le fétichisme et le rituel de la parole ne doivent pas faire oublier le Réel qui est en devenir et les actions techniques à mener pour être à même de parler au mieux de soi et de sa gestion politique. Cette prudence n’est pas une retenue : elle est la parole qui convient aux hommes libres, émancipés de l’opinion et du divertissement frivole, bruyant, évanescent, vain et inconstant, qui fait souvent la vie des tigres de papier et l’atmosphère changeante des plumitifs. Pour le politique et le philosophe, la parole est d’or et le silence d’argent. Et l’or est une matière rare et imputrescible. Aussi, l’usage réfléchie de la parole relève d’une sagesse politique qu’il faut savoir apprécier et déléguer. Dont acte.



Votre dernier mot


Notre époque vit de grands bouleversements civilisationnels, matériels et spirituels ; la mondialisation est actuellement achevée et la globalisation des conflits et des moments de paix pose la question du modèle de société dans lequel nous voulons vivre. Le Niger est pris dans la tourmente, la guerre entre les grandes puissances, les jeux plus ou moins sains et pervers de communications toxiques (fermes à troll, fake news, tabloïdisation de la presse écrite, idéologies complotistes, dogmatismes faciles, etc.). Les solutions matérielles au problème de la pauvreté et des crises au Niger sont connues depuis très longtemps. Les défis de l’éducation et de la culture, de la formation et du travail qualifié, ont bien été analysés par le Président Bazoum ; il reste l’essentiel à accomplir. A savoir la conversion des esprits vers le travail réflexif et la pensée en acte. Il est nécessaire, pour le Niger, pour l’Afrique, pour le Monde et son destin, que les droits de la pensée critique, Informée, érudite, ouverte et universelle au sens authentique du terme, s’affirment ailleurs que dans la clandestinité des laboratoires scientifiques ou dans l’entre-soi de quelques cabinets choisis.


Nous avons l’ambition de mettre au service de l’Humanité le travail de la pensée pour donner à nos vies un horizon autre que celui de la répétition de la pulsion de Mort dans une thanatopolitique continuée du fait de cette absence de pensée, pensée pourtant nécessaire à la vie véritablement humaine, porteuse de valeurs éthiques inconditionnelles. Pour sortir du nihilisme que l’époque nous promet et promeut dans les faits, ou, pour en finir avec le gargarisme d’autosatisfaction par des récitations de mantras idéologiques peu créateurs, pour parler une autre langue que celle des langues de bois systémiques, et ainsi éviter la destruction de soi, du collectif, j’en appelle à une Renaissance de la vie de l’esprit et de l’intelligence, partout au Niger, où cela est possible, de la part des intellectuels ou des acteurs de la vie citoyenne, qu’ils soient par état et par devoir ou non, mandatés pour penser le monde. Afin d’affirmer les valeurs de paix et de dignité autant que de respect de soi, des autres, du Monde et de sa riche diversité, nous appelons tous les acteurs de la société nigérienne à oser penser leur avenir et à avoir le courage de l’inventer, en se risquant à l’exercice difficile et courageux de se soucier de cette vie pour la vie et non pas d’attendre que les forces de mort ne détruisent toute possibilité d'inventer et de vivre la vie qui est la nôtre à ce jour.


Ne laissons pas la haine de soi devenir la haine de l’autre, et la facilité corrompre nos capacités de jugement. Ayons le courage et la volonté de penser le monde qui est le nôtre afin d’en éviter les pièges et les faciles divertissements. Car c’est aujourd’hui que cela est possible ; quand la guerre et la paix s’affrontent, chacun doit décider en soi ce qu’il veut pour le présent et pour demain. Faisons donc le pari de l’intelligence et de la paix construite, protégée, affirmée. L'éducation et la culture en sont le chemin le plus sûr et le plus universel.



Propos recueillis par

Tahirou Garka




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